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histoire de la révolution russe


XXXIX


Nulle part la Révolution russe n’a été saluée avec plus d’enthousiasme qu’aux États-Unis, et l’on peut dire que l’entrée de cette vieille démocratie dans la guerre pour la liberté (5 avril) n’a été rendue facile, sinon possible, que par la chute d’un régime exécré de tous les Américains.

« D’un seul geste, écrivait un grand organe longtemps neutraliste[1], le peuple russe a conquis sa liberté et secoué des épaules de l’Entente un pesant fardeau. Les nations démocratiques de l’Europe occidentale ont été libérées du poids du tsarisme et ont gagné un allié nouveau — la Russie démocratique. Pour les peuples engagés dans la défense du droit public contre la brutalité du poing ganté de fer, des petites nations contre l’hégémonie universelle, ç’a été dès le début une douleur et un embarras que leur alliée nécessaire fût la Russie de l’oppression polonaise, des massacres de Kishinev, la Russie des bureaucrates corrompus et incapables, des thaumaturges, des concussionnaires et des Cents Noirs. Les Alliés occidentaux ont dû fermer les yeux sur ces choses ; ils ne les ont pas oubliées, d’autant moins que les « forces obscures » de la Russie n’ont jamais cessé d’en ranimer l’amer souvenir dans la conscience de l’Europe occidentale et des neutres. Le pro-germanisme que nous avons déploré aux États-Unis, n’était-ce pas, pour une très grande part, de l’anti-tsarisme ? Si nous

  1. New-York Nation, 22 mars 1917, p. 33.