Page:Reinaud - Mémoire sur le Périple de la mer Érythrée.djvu/29

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Ils ajoutent que Gustasp donna le gouvernement de la vallée de l’Indus à un de ses petits-fils nommé Bahman, et surnommé Deraz-Dest ou Longue-Main[1]. Pendant son gouvernement, Bahman fonda, au nord du delta formé par l’Indus, une ville qu’il nomma Bahman-abâd ou ville de Bahman. Après la mort de son grand-père, Bahman retourna en Perse et monta sur le trône ; mais, à sa mort, il légua la couronne à sa fille Houmaï, de préférence à son fils Sassan, et celui-ci, mécontent, se retira à Bahman-abâd, où il eut des enfants. Ce fut d’un de ces enfants que descendait Sassan, père d’Ardesehir, souche de la dynastie des rois sassanides[2].

Quoi qu’il en soit, l’existence de Bahman-abâd comme ville, et même comme siège d’un gouvernement particulier, est un fait indubitable. Elle fut trouvée debout par les Arabes, l’an 706 de notre ère, lorsqu’ils arrivèrent pour la première fois dans la vallée de l’Indus : c’est là que résidait le roi du pays. Elle continua même à être la résidence du gouvernement fondé par les Arabes. On trouvera le récit des péripéties par lesquelles passa Bahman-abâd dans mon Mémoire géographique, historique et scientifique sur l’Inde, qui a paru dans le tome XVIII du Recueil de l’Académie.

  1. Les écrivains persans lui donnent même, outre le nom de Balunan, celui d’Ardeschir, ce qui, vu son surnom de Longue-Main, l’a fait confondre par quelques auteurs avec Artaxentès Longue-Main. Du reste, le mot Bahman lui-même est susceptible du sens de Longue-Main, si, comme la chose a eu lieu bien des fois, on substitue le z à l’h, et qu’on lise bâzou (en sanscrit bâhou) au lieu de Bah. (Voyez la dissertation de Boblen, intitulée De Origine linguae zendicae e sanscrita repetendu, p. 48) La forme pehlvie était Vohumano. (Voyez Spiegel, Die traditionelle Litteratur der Parsen. Vienne, 1860, p. 449.) Peut-être Vohumano est-il l’équivalent du sanscrit Vasoumanas, mot qui, dans le Rig–Véda, désigne un personnage indigène.
  2. Mouradgea d’Ohsson, Tableau historique de l’Orient, tome I, pag. 355 et suiv. tome II, page 156 ; voyez aussi mes Fragments arabes et persans inédits sur l’Inde, p. 41.