Page:Reinaud - Mémoire sur le Périple de la mer Érythrée.djvu/8

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il parle en homme instruit et fait preuve d’un jugement éclairé. Il traite comme elles le méritent certaines théories géographiques de Ptolémée, dont il ne faut pas dire trop de mal, vu qu’elles conduisirent plus tard Christophe Colomb à la découverte d’un nouveau monde, mais qui étaient de la plus grande absurdité, je veux dire qu’il en indique en peu de mots le peu de fondement. D’après une de ces théories, le continent de l’Afrique se prolongerait à l’est, et irait se joindre au sud-est de l’Asie, de manière à ne faire qu’un grand lac de la mer Érythrée. L’auteur du Périple, arrivé au Zanguebar, dit nettement qu’au delà le continent tourne à l’ouest et va se terminer à l’océan Atlantique[1]. De même, relativement à l’erreur impardonnable de Ptolémée, qui, à partir de la côte méridionale de Perse, semble ne pas soupçonner le coude que la mer fait à gauche et puis à droite, et qui prolonge le continent asiatique droit à l’est, l’auteur du Périple, arrivé à Barygaze, ne manque pas d’avertir son lecteur qu’à partir de là la presqu’île de l’Inde tournait au sud[2]. Il a même relevé l’expression par laquelle les indigènes désignaient dès lors la partie méridionale de la presqu’île : c’est le mot Dakchinabad, qui, en sanscrit, signifie côté de la main droite. En effet, les Indiens, à l’exemple des autres peuples orientaux, se tournaient à l’est pour s’orienter, et, par conséquent, avaient le midi à leur droite[3]. On voit tout de suite que c’est de Dakchinabad qu’est dérivée la dénomination Dekhan. Enfin, l’auteur, arrivé à la fin de sa relation, et ne faisant qu’une nation des Sères et des Sines ou Thines, dont Ptolémée avait mal à propos fait deux peuples différents, dit positivement que la mer Érythrée finissait au pays des

  1. P. 272 de l’édition de M. Ch. Müller dans le recueil des Petits Géographes grecs.
  2. P. 294 de l’édition imprimée.
  3. Voyez ibid. p. 294. ainsi que mon Introduction à la géographie d’Aboulféda, p. 192.