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MES SOUVENIRS

que j’étais à monter la garde au poste de l’Hôtel de Ville, je reçus un billet de M. Cintrat, directeur de la direction politique, me priant de passer au ministère des Affaires étrangères. J’accourus et il m’apprit que je venais d’être nommé premier secrétaire d’ambassade à Turin, avec ordre de partir le 16 mai. MM. de Lamartine et Bastide m’avaient recommandé de prendre en poche, comme dernières instructions, le Moniteur de ce jour qui devait contenir le discours que Lamartine comptait prononcer sur les affaires d’Italie à la séance du 15 : « Assistez à la séance, m’avait dit M. Bastide ; il est bon que vous entendiez le discours de Lamartine avant votre départ pour l’Italie. »

J’étais donc à la Chambre lorsqu’elle fut envahie. J’assistai à cette fameuse séance dans une tribune où je faillis être étouffé par la foule. Un des plus exaltés était un collégien de quinze ans. Des gens du peuple, aux bras nus, armés de fusils, vociféraient des injures. Je ne pus m’échapper que vers quatre heures et demie en escaladant le petit mur du jardin qui donne sur le quai, à côté de la statue de Sully ; ce mur alors très bas a été surélevé depuis par mesure de sûreté. Je fis passer par le même chemin une jeune femme affolée qui me suppliait de la protéger. Elle leva son voile, je reconnus