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MES SOUVENIRS

positions agressives de la Russie. L’affaire des Lieux Saints qui avait été le point de départ de la querelle avait reçu une solution satisfaisante, mais l’ultimatum présenté au divan par le prince Menschikoff exigeait que le sultan s’engageât par un traité à maintenir intactes et à perpétuité les immunités dont les chrétiens grecs jouissaient dans l’empire ottoman.

Ce protectorat accordé à la Russie sur onze millions de sujets turcs eût été pour le sultan une véritable abdication. Le vrai maître n’eût plus été à Constantinople, mais à Saint-Pétersbourg. Il y avait donc lieu de penser que la Turquie, soutenue par la France et par l’Angleterre, repousserait ces exigences.

Ces menaces de guerre, si graves qu’elles fussent, n’assombrissaient pas les réunions d’hiver dans la capitale de la Russie.

En partant, le prince Menschikoff avait fait une plaisanterie dont s’était réjoui tout Pétersbourg. Une vieille demoiselle d’honneur, appelée Mlle Baranof, de peu d’esprit et toujours la dernière à apprendre ce qui se passait à la cour, s’avisa de lui demander le but de son voyage : « C’est un grand secret, lui répondit le prince Menschikoff, mais je vais vous le confier. Je vais demander au sultan la main de sa fille pour le prince Tschernischeff, et comme Dimitri