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CHAPITRE NEUVIÈME

le sait, et de là viennent en partie les craintes que vous inspirez.

« Quelque déplorable que soit la situation morale du Piémont, il ne faut pas néanmoins désespérer de son avenir. Peut-être même pour le ramener dans la voie de l’ordre se forme-t-il en ce moment les éléments nécessaires. On m’assure que le chef du cabinet, le comte de Cavour, qui est aujourd’hui la plus haute puissance parlementaire du pays, commence à se repentir de s’être associé un ancien membre du ministère démocratique, l’avocat Rattazzi, le promoteur principal de la loi sur les biens du clergé. Dans le cas d’une scission entre ces deux hommes, la victoire resterait nécessairement au comte de Cavour et serait le signal d’un rapprochement de celui-ci vers la droite constitutionnelle. Si cette éventualité s’accomplissait, le nouveau cabinet serait le plus fort de tous ceux qui ont existé depuis 1848, et il pourrait par conséquent opérer successivement, sans avoir à surmonter trop d’obstacles, les réformes législatives et réglementaires les plus indispensables pour arrêter le pays sur la pente révolutionnaire. La cour de Rome, dès qu’elle saurait que les hommes du gouvernement sarde ne lui sont plus hostiles par système, deviendrait sans doute plus traitable, et le clergé ne montrerait plus la même répugnance à faire les sacrifices