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MES SOUVENIRS

une politesse affectée. Au bout de dix ans, me disaient mes collègues arrivés à Saint-Pétersbourg bien avant moi, on est ici étranger comme au premier jour. Les événements se précipitaient, et le général de Castelbajac m’écrivait le 8 octobre 1853 du département du Gers une lettre bien caractéristique.

Je veux vous dire que je viens de voir de mes yeux et entendre de mes oreilles ce que je n’avais jamais vu et n’avais jamais entendu dans nos villes du Midi, à aucune de nos époques politiques ; il est impossible, si l’on n’en a été témoin, de se faire une idée de l’enthousiasme frénétique des populations sur le passage du Prince Président. À Toulouse, après la revue des troupes, il y a eu ce qu’on a appelé la revue civile : c’était la réunion de la population valide, accourue de tous les points du département, chaque commune ayant sa bannière, la plupart aux armes des anciens seigneurs, ce qui, vous m’avouerez, est bien singulier dans le temps où nous vivons. Cette masse énorme de plus de cent mille personnes a défilé devant le Prince aux cris frénétiques, c’est le mot de : Vive l’Empereur ! chaque homme ayant ces mêmes paroles écrites sur le devant de son chapeau. Dans les rues de la ville pavoisées de drapeaux, et les rues jonchées de fleurs, au spectacle, enfin partout, mêmes cris, même enthousiasme. Le Prince, au