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de la peſte de Marſeille


eſt encore cher, & dont on n’a pas la force de s’éloigner : tant de malheurs réünis rendent leur ſort bien pitoyable. Les ſeconds eſſuyent tous ces malheurs tour à tour ; le plus courageux de la famille s’eſt livré à ſervir le premier malade, il eſt tombé quelques jours après ſa mort, quelle frayeur pour les autres ! trois, quatre, cinq, ſix, ſont encore tombés les uns après les autres, ſans qu’aucun ait réchapé. Ceux qui reſtent accablés d’affliction de la mort des premiers, épuiſés de veille & de fatigue, troublés par la crainte d’un pareil ſort, qu’ils voient auſſi prochain qu’inévitable, tombent les uns dans le découragement, & ſe laiſſent mourir de langueur & de foibleſſe ; les autres dans la dénuence, & paſſent ainſi d’une extrême affliction dans un état d’indolence & d’inſenſibilité plus triſte encore que le premier : quelques-uns manquant de confiance en Dieu, ſe ſont abandonnez au déſeſpoir, & ont terminé leurs chagrins par une mort volontaire, triſte & cruelle reſolution, qui ne termine des malheurs prêts à finir,