Page:Relation historique de la peste de Marseille en 1720, 1721.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
Relation Hiſtorique


la volonté de Dieu ; d’autres refuſer leurs ſoins & leurs empreſſemens, & les prier de s’éloigner, de peur de leur communiquer quelque impreſſion mortelle. Etrange ſituation, où il faut voir expirer ſes propres enfans entre ſes bras, en s’expoſant au même mal qui les enleve, ou prendre le cruel parti de les laiſſer mourir ſans conſolation & ſans ſecours.

On ne ſçait qui eſt plus digne de compaſſion, ou ces familles, qui tombés tout à la fois, meurent preſque tous en même tems ; ou celles que le mal attaque un à un, & enleve de même. Ceux-là éprouvent tout à la fois ce qu’il y a de plus triſte & de plus déſolant dans cette calamité : ceux-ci ne le ſentent que peu à peu, & par une affliction qui eſt d’autant plus cruelle qu’elle eſt plus longue. Les premiers ſouffrent en même tems l’accablement de leur propre mal, l’affliction de celui des autres, la privation de tout ſecours, l’impuiſſance d’en donner à ceux que l’on aime autant que ſoi-même, le chagrin inévitable de les voir expirer à ſes côtés, ſouvent l’aproche d’un cadavre, qui