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de la peſte de Marſeille


mauvais alimens, dont ils font leur nourriture ordinaire, étant accoûtumés, leur ſont devenus comme naturels. Je laiſſe aux Medecins à faire voir que leur fermens tirés de ces alimens, & la force de leur eſtomach proportionnée à ces viandes groſſieres, leur donnent la même facilité à les digerer, qu’ont les riches à cuire une nourriture plus délicate.

Le ſeul avantage qu’on a eu à la campagne, a été de n’y pas voir l’horreur des cadavres par la facilité qu’il y avoit de les enterrer dans le lieu même où ils mouroient. Mais à cela près, on y a vû des déſolations plus cruelles que dans la Ville. La ſolitude, l’abandonnement, l’éloignement de tout ſecours, la diſette de toutes choſes, la privation de toute ſorte de commodité, & des ſoulagemens ſi neceſſaires dans les maladies ; en un mot, toutes les miſeres qui ont affligé nos malades, y étoient encore plus extrêmes. Les étables & les endroits les plus ſales étoient la retraite ordinaire des peſtiferés, heureux encore quand on les ſouffroit ſous le même toit. L’inhumanité des