Page:Remy - Les ceux de chez nous, vol 6, Faire faire mon portrait, 1916.djvu/8

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tend claper bien une heure d’ici, Vieux Jean ne veut pas aller avec Thoumas et ne lui parle presque jamais.

— Est par trop bâbo, noss marlachat, qu’il dit, en suçant lentement le tuyau de sa pipe qu’il fume en la laissant enfermée dans une drolle de boîte, pour ne pas la gâter. Puis il fait aller sa grosse moustache à droite et à gauche en la frottant avec la pointe du tuyau. J’aime bien d’aller avec les chevaux et Vieux Jean et pas aller avec les vaches et les cochons et Thoumas.

Tous les dimanches presque, après bassemesse, Vieux Jean descend sur Liège pour s’aller acheter quelque chose, une belle haute noire casquette, ou un flemtai ou des nâlix ; il a une fois rapporté un livre de sur la Batte, dit-il, la Clef des Songes, que je lui lis dedans, et je ne comprends rien et lui non plus, mais c’est bien beau.

Un dimanche, j’ai été avec Thoumas, parce qu’il fallait m’acheter un nouveau chapeau. Les ceux que l’homme vend ne sont pas beaux assez, qu’elle dit ma tante. C’est un homme qui passe de temps en temps avec sa charrette et un petit cheval et qui vend toutes sortes d’affaires, de la moutonne rouge pour les robes, de la printagnère pour des costumes, du coutil pour les pantalons, des vertes cravates, des bleus courts sâros, des sabots noirs pour les femmes et des bruns pour les hommes. Pourquoi est-ce qu’il n’y