Page:Remy - Les ceux de chez nous, vol 9, J'écris une belle lettre, 1916.djvu/8

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Elle n’a plus qu’une toute courte cotte de moutonne et sa chemise qu’on voit tous ses gros bras et tout autour de son hatrau.

Avec ses mains et du savon, elle frotte de toutes ses forces qu’elle ne peut presque pas respirer, elle fait voler l’eau hors du crameu, tellement qu’elle remue ses mains pour hurer sa figure et ses bras avec la samneure. Mais il lui plaît encore de chanter pendant ce temps-là, et elle doit s’arrêter à tout moment à cause de l’eau qu’elle pousse sur son grognon, et moi je m’ai assis sur le jaune coffre et avec mes talons je maque dessus en mesure pour chanter avec :

Vous ignorez, je le vois bien, mon nong,
Mais rattendez, vous allez me r’connaître,
Regardez-moi, je suis Napoléong,
Et vous allez me fusillez peut-être.

Maintenant Trinette commence à rispâmer, elle a sa figure dans l’eau du crameu, il m’faut attendre un peu.

Quante j’ai voulu déposer ra vot’pied
Cette n’épée que vous voyez, cher Guillôme,
Vous avez dit que vous préfériez l’hômme
À cette n’épée ici que vous voyez. (Bis.)

Trinette rattend un peu, parce qu’elle a poussé l’essuie-main roulé au fond de son oreille, puis quand elle l’a retiré elle a regardé quoi est-ce qu’il avait.

À cette n’épée ici que vous voyez ([1])

Puis elle veut recommencer avec les mêmes mots.

  1. Une des nombreuses « complaintes » inspirées (!) par la capitulation de Sedan et venue jusqu’en Wallonie, où l’accent local achève de les défigurer grotesquement.