Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

nature ? Je rougis aussitôt et repris vite : « Qu’importe ! C’est vous qui avez raison. Même si c’est un rêve, il faut tenter l’aventure !… Monsieur, si vous avez besoin d’une aide… » Puis je souris de moi-même : « Pourquoi en auriez-vous besoin ? »

C’est alors que j’entendis ces mots, capables de transformer ma vie :

— Monsieur, je sens en vous une grande noblesse de sentiments. Si vous m’aidez, ce sera l’honneur de ma vie.

J’étais très ému. Je répondis : « Je suis à vous ! » Ce qu’il y a de rare chez cet homme, c’est le charme du mystère. Lui si précis, sait ne pas donner d’un coup toutes les clartés qu’il a, mais les faire attendre, réserver la surprise. Il me dit :

— Je n’expliquerai pas ce soir ce que je suis en train de tenter. Je vous donne rendez-vous demain. Mais je vous demande aujourd’hui : « Voulez-vous réfléchir cette nuit à ce que vous essaieriez, si l’on vous disait : « Faites vite pour ce pays ce qu’il y a de plus nécessaire. »

J’étais gagné !… Je n’ai pas dormi de la nuit… et rien trouvé, bien entendu. D’ailleurs, je ne pensais qu’à lui, pas à moi. Et j’ai couru chez lui, une demi-heure d’avance ! Obligé de me promener sous ses fenêtres, pour ne pas arriver comme un importun.