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LE SALUT ?

qui est la mienne. J’ai peut-être tort… Je crois que dans le pays, et en dehors du pays, il faut multiplier les rapports, aborder les gens, s’expliquer carrément.

— Ah ! c’est ma conviction profonde ! dis-je avec un peu de fièvre. Le premier résultat de la démocratie c’est de faire des envieux. Mais en France, nous avons la chance… que ce soit des envieux cordiaux. Ils hésitent entre l’envie qu’on leur inculque, et la cordialité qui reste un penchant de leur nature. En sorte que si vous passez tout de suite après le démagogue qui les rend envieux, vous pouvez, avec un peu de chaleur et de conviction, en refaire des citoyens cordiaux.

— Parfait ! Parfait ! me dit Saint-Remy. C’est merveilleux comme nous sommes d’accord ! Nous allons faire ensemble un travail excellent. Il faut donc leur parler. Et leur parlant, montrer d’abord que les autres… leur ont mal parlé. Qu’est-ce qu’on leur dit dans le catéchisme révolutionnaire ? Rien que des « vérités » contradictoires, puériles. Par exemple : l’homme est la proie d’instincts immondes… mais en même temps il n’y a qu’un dieu, et c’est lui ! Ou encore : le monde est peuplé de malheureux, bien plus malheureux qu’ils ne se croient malheureux. Il s’agit donc d’abord de leur donner la conscience de leur malheur… ce qui le rendra définitif. Ensuite, de partager les biens des