Aller au contenu

Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
98
CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

Sonnerie du téléphone.

— Allo !… Bonjour ! Cela, c’est drôle ! Justement je pensais à vous, et j’allais parler de vous avec un ami que j’ai là près de moi.

J’écoutais, médusé. Ce que j’admirais, c’était cette maîtrise sans défaillance, cette égalité dans l’humeur pour aborder n’importe quel sujet. Il y avait là une marque de santé.

Il était question de l’Allemagne, d’aller en Allemagne.

— Ah ! parbleu ! disait Saint-Remy, si j’avais le temps ! Mais je pourrais peut-être y envoyer quelqu’un… Je pense à quelqu’un. Laissez-moi réfléchir. Je suis tellement de votre avis. Ce sont des gens qu’il ne faut pas laisser seuls. Quand ils sont seuls, au fond de leur cuve allemande, ils fermentent et deviennent si dangereux ! Il faut leur parler, les distraire, les… conquérir.

Je suis moi-même de cet avis. Machinalement, je fis « oui » de la tête. Saint-Remy ne me demandait rien ; il dut me voir ; il écoutait encore ; il fit « Ah ? » et raccrocha l’appareil en m’annonçant :

— Il paraît qu’ils vont faire une quatrième dévaluation dans cinq jours exactement. Si vous avez de l’argent, achetez des livres ou des dollars. Mais… ce n’est pas un banquier qui est à l’appareil. C’est un journaliste, dont l’idée me paraît excellente. Il a une marotte…