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Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/19

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brusquement, d’une mort incompréhensible, comme sa vie. Sorte d’infection, qui gagna le cœur, et l’arrêta net. Je me trouvai désemparé, trop libre tout d’un coup. Mais je serrai l’enfant dans mes bras : ma vie maintenant serait toute à lui. Ah bien oui ! Il en était encore à des dictées de trois lignes, des analyses logiques portant sur trois mots ; il fut qualifié par un spécialiste de « surmené scolaire ». La famille le sut, et me somma de l’expédier dans la montagne. Je l’y conduisis moi-même, j’en revins sans force… Et c’est alors que je vous connus.

Hélène, votre âme est toute fierté, mais elle habite un corps d’une grâce si accomplie que j’ai connu le désir de vous prendre dans mes bras. Ce qui vous parut effarouchant, peut-être vulgaire. Pourtant, c’est le simple destin de tous les hommes devant une femme noble et belle. Le mieux serait de ne pas trop penser là-dessus. On ne pense guère sans faire des phrases. Toute une littérature faussement délicate encombre le sujet. Quand lui rendra-t-on sa santé ? Pour ma part, sans mélancolie, je vois dans notre aventure le dernier chapitre d’une vie française, où tout est manqué, faute de caractère, et d’une idée nette. Je ne suis qu’oppositions. Sous de brusques hardiesses, un timide. Ayant le goût de toutes les libertés ; prisonnier de tous les partis pris. J’ai des désirs fous ; pas