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L’ÉDUCATION DES PARENTS

laissé dire : « Tu ne comprends pas ton rôle ; viens ; on te l’apprendra ! »

Sur l’estrade, dans la coquille, une rangée de vieux messieurs. C’était une chaste corbeille. À l’heure exacte, prévue par le programme, Mme Lherminat parut au milieu d’eux.

Femme charpentée, qui avait de l’homme en elle, ce qui lui donnait peut-être des vues spéciales sur certaines questions. Son visage, jeune encore, ne manquait pourtant pas de charme ; les traits en étaient fins ; ils avaient pu susciter de l’amour. On éprouvait en la voyant une impression assez trouble.

En s’installant à sa table, elle commença par sourire à l’auditoire, et ce sourire intimidé ne fut pas sans grâce, mais en même temps, elle avança un pied sous sa table, et je remarquai qu’il était grand.

— Je voudrais d’abord, dit-elle, qu’il n’y eût dans mon auditoire personne d’effarouché par mon sujet… (Des yeux de mères se baissèrent.) Nous sommes entre parents. (Un jeune abbé approuva.) La fausse pudeur n’est pas de mise. Quant à la vraie, nous allons la définir. Et pour cela ne faut-il pas la regarder en face ? (Elle remua une petite cuiller dans un verre d’eau.) L’humanité la meilleure a cru bon longtemps de couvrir d’une feuille de vigne certaines parties des