Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/26

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ses journaux, ses spectacles, le visage de ses villes, la tenue de ses familles. Tout dans les foyers, la rue, la presse, l’opinion, s’harmonise à la vulgarité, à la cupidité, au mensonge des gouvernants. Remplacez-les tout à coup par vingt bonshommes, choisis dans le premier train ou dans n’importe quel trou, vous aurez le même ensemble, mêmes bobines, mêmes idées, et le photographe dira : « Mais je les ai déjà pris ! » La France n’est pas supérieure à ceux qui la conduisent. Si elle l’était, elle les reconduirait. Qu’elle ne dise pas : « Je ne peux rien ! » Elle peut s’abstenir de lire des feuilles qui mentent ; elle peut envoyer promener une T. S. F. qui ment ; elle peut hurler sous les fenêtres de ses ministres : « Menteurs ! » Mais les mieux nés sont devenus si veules qu’avilis et ruinés, ils aiment encore entendre qu’on les fortifie et qu’on les enrichit ! Comme les malheureux qui boivent, ils goûtent l’illusion. Une nation de buveurs, voilà ce que la démagogie a fait de la France ! Elle n’a plus d’hommes libres ; plus un homme illustre. Citez donc des noms qui ne soient pas sur des tombes ! Tout le pays appauvri, desséché, traversé par un fleuve qui brûle au lieu d’arroser : l’Envie. De jalousies en jalousies, de rancunes en rancunes, de petitesses en petitesses, ils en sont venus au point d’être mal à l’aise, rien qu’au voisinage de la gran-