Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/27

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deur, et eux qui vivent en serfs, ils accusent autour d’eux tous les pays qui se relèvent et s’élèvent, de sacrifier leurs libertés… C’est à pleurer !

Je ne pleure pas moins, lorsque j’entends de ces phrases lénifiantes : « La France paraît perdue, mais la France sera sauvée ! Ne le fut-elle pas toujours ? Au dernier moment, la Providence suscite un homme ! » Raisonnements de patronages ! Peut-il venir un homme, quand on a pris soin de les étouffer tous ? Depuis soixante ans, la République ne prépare que des électeurs, des fonctionnaires, des francs-maçons, des mouchards.

Alors ? Alors ? Quel goût reste-t-il à la vie ? Comment l’endurer ? À qui se vouer ? Que faire ? Vous êtes partie : il ne peut plus être question d’amour. Lire les poètes ? Où ? Dans quelle île ou sur quel nuage ?

Je m’abandonnerais bien à ma religion… si j’étais seul à la pratiquer !

Hélène, chère Hélène, à l’heure qu’il est, ce que je ferais sans doute de mieux, ce serait de m’endormir.