Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/72

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Puis le miracle de la carrosserie. La voiture a sa forme, mais elle n’a l’air encore que d’une bagnole de clown ou de chiffonnier. On commence par la brûler à 300 degrés, après quoi on la plonge dans l’émail, et on se met en hâte à la garnir. Les ouvriers n’ont que deux mains, il leur en faudrait trois : on leur a donné des marteaux aimantés. Ils se mettent un cent de clous sur la langue ; une main saisit l’étoffe, et l’autre tient le marteau, qui de lui-même va leur tirer les clous du bec !

C’est inattendu. Ma foi, comme Lévi-Prune, j’ai failli m’amuser ! Et, quand dans la cour, j’ai vu les représentants venir chercher les autos, et celles-ci démarrer, partir pour l’aventure, l’inconnu, la joie ou l’accident, à raison d’une par cinq minutes, je n’ai pu m’empêcher de dire :

— C’est vrai… que c’est étonnant !

Le fait aussi que la visite était terminée me soulageait bien. Je m’en aperçus, quand Lévi-Prune me dit :

— Ce moteur des « petits pruneaux » ne fait plus aucun bruit. J’ai obtenu le silence. Eh ! je ne vous ai pas montré l’ingénieur du silence ! Rentrons ; il faut que je vous le montre !

— Oh ! lui dis-je,… si vous m’expliquiez ?

Mais Lévi-Prune avait raison… L’ingénieur du silence, c’est à voir ! Un homme