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GASPARD

rester sans mouvement ! Il n’y avait que les Boches qu’il n’avait pas vus. Il dit :

— Vous aut’, v’s avez vu les Boches ?

Un blessé reprit :

— Qué ça peut m’foute ? J’tenais pas à les voir.

Gaspard se dressa sur son séant :

— Abruti ! J’ai pas b’soin d’te d’mander si t’es d’Paris, toi, t’es putôt d’Quimper-Corentin… Il t’nait pas à les voir !… Spèce d’idiot ! Est-ce que j’te dis ça pour ça, moi ? Pourquoi qu’tu m’cherches des raisons ?

— J’te cherche pas de raisons ! J’dis c’que j’pense.

— Ben, tu penses comme mon fond d’culotte, comprends-tu. Il t’nait pas à les voir ! Est-ce que j’y tenais, moi ? Seulement, ça fait rien, je m’figurais pas la guerre comme ça. Pis, m’sembe qu’y en a d’aut’es avec moi… Moi, quand j’me bats, je m’montre, j’me cache pas ! Eux, c’est des dégoûtants. Ils vous envoient d’chez eux, là, toute leur sale ferraille. Ils s’bougent même pas. Nous, on y allait, on d’mandait qu’à s’empoigner !

Dans l’ombre, une voix un peu précieuse énonça :

— Hélas ! Ce ne sont plus les conditions de la guerre moderne !

— Oh ! moderne ou pas moderne, dit Gaspard, j’sais pas faire des phrases comme ça, mais