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Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/162

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GASPARD

Mais Gaspard, bon enfant, était ému quand même. Il ne riait plus. Il disait :

— Faut la ramener à son train…

Il essayait doucement de la faire marcher.

— Allons, grand’mère… mène-toi par là.

La vieille poussa un cri atroce :

— Au secours !… Le suisse, l’affreux suisse !

Sa figure était horriblement contractée et elle avait sur les épaules un petit châle blanc, dont tous les pompons tremblaient. Gaspard dut la lâcher ; elle lui entrait ses ongles dans les bras, et elle continuait :

— Les chiens vous mangeront le cœur, la tête et tout !

— Vieux chameau, dit le livreur, elle a pas inventé l’eau sucrée !

Elle sautait dans le champ, se jetait sur eux, reculait, agitait les bras, se sauvait.

— Oh ! le suisse !… le suisse ! Toujours sa culotte rouge, comme les enfants de chœur… Mais le clocher tombera et les cloches les écraseront ! Ah ! ah !…

Elle ricanait. Son rire s’étouffa dans un sanglot : « Mon pauvre mari ! »

Gaspard s’était encore rapproche :

— Grand’mère… conte un peu… Si t’es gentille, moi j’ m’en occuperai d’ ton mari.

Le boueux se tordait.