Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/17

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pour que les toits se reflètent dans les mares. On ne savait si le temps riait ou pleurait. Matinée nerveuse, de colères et de rayonnements. Soudain, on apprit que le train des Parisiens venait d’entrer en gare.

Les Normands ricanèrent :

— Un Parigot et un Parigot, ça vaut jamais deux gars des champs !

On eût pu croire qu’ils avaient quelque crainte ou de l’envie.

Dès que le train eut stoppé, on entendit une acclamation. Enthousiaste ou ironique ? Salut joyeux ou bonjour nargueur ?

Le chef de gare rôdait sur le quai. Le premier homme qui sauta à terre s’en vint à lui :

— Alors, camarade syndiqué, ça boulotte dans ton port de mer ?

L’autre essaya de rire, fit une grimace et se coula dans son bureau. Il ne vit qu’un Parisien.

Ils étaient sept à huit cents, du quartier Montparnasse, avenue du Maine, rue de la Gaîté, qui s’en venaient chercher les gars du Perche, matois mais un peu lents, car les Parisiens sont les clairons d’un régiment : ce sont eux qui mettent en route et puis qui marquent le pas.

Ceux-là, on les eût crus dix mille, tant ils tournaient, tant ils parlaient. Ils parlaient à la gare, aux rues, aux nuages, forçant leur voix :