Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/19

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— Ah, ah, dis donc ! fit le marchand de vins, mais j’ veux le connaître, moi, c’t oiseau-là.

Tous défilaient, sauf lui.

Ouvriers, bourgeois, des casquettes, des chapeaux, le grand Rocton, le tapissier, et Moreau, le machiniste, qui montrait aux copains un petit bonhomme court et rond, coiffé d’un canotier trop étroit pour sa tête, et disait :

— Tu vois çui-là… c’t un journalisse. Il loge avenue du Maine. Un type à la hauteur, et pis qui sait causer.

Tous les autres demandaient :

— Comment qu’ c’est-il son nom ?

— Gaspard le sait : c’t un copain à Gaspard.

Toujours Gaspard. D’ailleurs, le journaliste le cherchait aussi. Il rentra dans la gare et il aperçut Gaspard aux prises avec un employé. Ce dernier avait trouvé blessant pour la Compagnie que Gaspard, qui débarquait, chantât sur l’air du « Petit Navire » : Il est cocu, le chef de gare !…, et il avait remarqué tout haut : « Voilà bien le régiment ! Dès que les Français ils deviennent soldate, ils se conduisent comme des dégoûtante ! »

— Comme des quoi ?… Répète-le ! Veux-tu que j’ te bouffe les foies ? avait dit Gaspard.

Et depuis cinq minutes c’était une dégelée d’injures et de menaces.

— C’est-il pasque t’as une cassiette et un galon ?