Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/20

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Moi j’en ai jamais voulu des galons ! Alors faut pas nous en faire un plat avec ton chemin de fer à roulettes, qui met douze heures pour s’amener d’Pantruche !… J’ causerai du chef de gare, si ça me plaît d’en causer ; et si tu veux pas qu’on dise qu’il est cocu, c’est p’t-être que c’est par toi, comprends-tu ! Alors ferme ça, fumier d’ lapin !… Nous, on va s’ batte, nous on va s’ tuer. Toi, avec ta cassiette, tu continueras à faire des trous dans les billets. Tais-toi, tiens, tais-toi !…

— Allons, allons, Gaspard, dit le journaliste, qui s’approchait.

— T’arrives à point, Burette, emmène-moi : j’ ferais du vilain !

Ils sortirent ensemble.

Sur la place, une clameur les accueillit.

— Le v’là déjà ! Mais n’ te presse pas !

— De quoi ? fit Gaspard. Qu’est-ce qu’ils ont ces tourtes-là ?

Il cracha avec colère, et il lança :

— Pourquoi qu’ c’est qu’ils m’attendent ? Eh, marchez donc ! J’ rattrape toujours. — Berlin ? Tout droit, sans se r’tourner !

Et ses yeux verts luisaient comme ceux d’un loup.

Puis, soudain, il éclata de rire. Il fouillait dans sa poche, et montrait à Burette, le journaliste :

— J’y ai chauffé sa trompette à l’aut’ outil.