Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/225

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paix lorsque d’autres se tuent, l’adjudant-chien de quartier quand l’ennemi sort ses crocs, — le Dépôt avec ses corvées, ses sous-off, son poste de garde et son major, le Dépôt pour un homme sensible dont l’amour-propre se rebiffe, est une épreuve rude et lugubre, car la bêtise y prospère comme crapauds en mare ; et l’armée, cette masse sublime sous le feu, n’est plus à l’arrière, dans une cour de quartier, que l’institution sociale la plus féconde en amertumes.

On ne saurait en vouloir à notre temps de cet état de choses sinistre. La servitude du métier militaire est éternelle comme sa grandeur, et l’adjudant Dupouya, dont la vue donnait un haut-le-cœur à Gaspard, est un type de brute vieux comme le monde : ses ancêtres ont fait souffrir ou diverti les soldats grecs, hébreux, romains. Mais Gaspard connaît mal l’histoire des hommes, et il ronchonnait :

— C’te vache-là, c’t’ une vache comme on a jamais fait d’ vaches !

Dupouya méritait une autre définition.

Il était curieux. Dans sa manie de nuire, il avait presque des trouvailles personnelles. Le nez pointu, les yeux aigus, son maigre corps planté sur des pattes nerveuses de coq agressif, il pourchassait les hommes, les attaquait et les plumait. On ne lui échappait point : inutile de