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Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/256

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GASPARD

— Y a des chics généraux ; avant la guerre on n’aurait pas cru ça.

Il reprit :

— Fallait la guerre : on savait rien en rien ! Moi, à l’hosteau, j’ai vu des demoiselles ed la haute, — et leur père il d’vait avoir du foin dans les bottes, — ben, elles m’ vidaient ma cuvette ! Voui, ma cuvette ! Ah, faut avoir vu ça !

Sans l’employé de mairie, qu’il trouvait « répugnant », il aurait cru à la fraternité universelle.

Il se montra dans le quartier, exhibant sa capote trouée, exigeant qu’on tâtât sa fesse : « Dites, vous sentez, l’ beafteck en moins ? ». — Chez le père Criquenot, le patron du bar, il s’inquiéta de la loi de l’absinthe.

— Alors ?… pus d’ bleue ?

— Chut !… Aboule par ici !

L’autre l’emmena dans l’arrière-boutique. Ah, cette noce ! Jamais il n’en avait bu une pareille. Aussi, en retour, il lui fit des confidences : « Y a mon gosse que j’ vas légitimer… » Il le dit encore au boucher, au fruitier, à sa concierge. Il était si fier !

Puis, désirant, pour le jour du mariage, payer un chapeau à sa femme et un autre à sa « vieille », comme il n’avait pas un sou d’avance, qu’elles ne touchaient que leur allocation, et qu’on ne pouvait