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Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/288

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Mousse, dès que les balles chantèrent, redit à Gaspard !

— Hein… tu n’oublieras pas ma lettre ?…

Et presque aussitôt des marmites commencèrent d’éclater autour d’eux. L’ennemi était à trois cents mètres ; ils le virent surgir de terre, par petits paquets d’hommes qui se rejoignaient, formant une muraille en marche. On allait donc se joindre, se heurter, entrer les uns dans les autres. Les Français, malgré les balles, serrèrent les rangs.

Le mur allemand devenait plus noir et plus proche. Il s’éclairait de quelques trous, des soldats qui tombaient. On distinguait maintenant les casques à pointe. On ne tirait plus, et les hommes, sans un cri, marchaient toujours gravement des deux côtés. — Mais… quand les deux troupes furent proches de cinquante mètres, comme si quelqu’un d’en haut les dirigeait, on les vit s’incliner, l’une à droite, l’autre à gauche, en un mouvement tournant qui semblait là comme une entente, ou plutôt une terreur pareille de s’aborder sans s’être vus. Il fallait se tâter d’abord, se regarder, prendre le temps de se haïr ; ils faisaient comme les chiens qui se flairent et tournent, avant de se sauter à la gorge.

Seulement, sur ce calme tragique s’abattirent de nouvelles marmites, qui déchirèrent, mu-