Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/29

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avait déclaré la guerre à la Belgique. Alors l’Angleterre déclarait la guerre à Allemagne. Et le Tsar avait embrassé l’ambassadeur de France ! » Quand il se tut, on applaudit de nouveau.

Et on se regardait… en pouffant. Ce n’était qu’un cri : « Ils sont fous ! Enragés ! Tout le monde à dos ! Qu’est-ce qu’ils pensent faire ? »

Gaspard dit :

— Viens bouffer. J’ te dis qu’ils sont piqués !

Burette était radieux.

— Il y en a pour un mois ! On va les tenir tout de suite ! De tous les côtés ! Dans trois semaines ils demanderont grâce !

— Ah, fit Gaspard, ça va être la bonne vie !

Et en se tordant, ils allèrent jusqu’à la place du Chemin-de-Fer, où Burette, qui était gourmet, connaissait un petit restaurant tenu par une ancienne cuisinière ayant vingt ans de fourneau chez des bourgeois cossus.

Ils y trouvèrent un soldat de la compagnie, que Gaspard avait habillé, et un gros boucher de Vaugirard, dont le ventre n’avait voulu rentrer dans aucune capote. Ce dernier se leva, lança sa casquette et s’exclama :

— Des copains ! L’était temps : j’avais déjà l’ cafard.

Le fait est que l’autre convive n’avait pas l’air folichon.