— Juge de paix, ça j’m’en fous. C’est pas c’que j’vous d’mande. Pourquoi qu’vous êtes en civil à l’âge que vous avez ? Alors ? V’s en foutez pas une miette, pendant qu’les aut’es ils jouent au jeu de massacre ?
— Ça par exemple, n’est-ce pas !… Si je suis réformé…
— Réformé ? Et vous causez comme vous causez ! Ben citoyen, faudra voir, quand j’s’rai là, à pus servir des boniments d’femme saoule ! J’suis des z’Halles, moi, comprenez, et j’sais c’que c’est qu’la viande de porc.
— Avez-vous fini de me regarder comme ça ?
— J’te gobe !… Et quoiqu’tu soyes le juge de paix, j’te répète : faut pus laïusser su la marchandise aux Boches sans la connaître ; Moi, j’la connais, fiston : j’ai eu mon compte ; et j’comprends qu’ça gêne pas monsieur, mais faut pas m’raconter qu’c’est d’l’artique parisien, tout c’qui s’fait d’bath et d’bien torché ! Ou alors… alors j’t’empoigne par la peau du ventre !
— Militaire !… militaire !… firent le bijoutier et le marchand de grains effrayés.
— Qu’est-ce tu fais !… Qu’est-ce tu fais ! cria Bibiche.
Il tourna la tête, stupéfait de cette voix, et il resta hébété, balbutiant :