Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/304

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— C’est-il que j’rêve ?… Non mais… non mais sans blague ?

Bibiche était devenue très rouge. Elle bredouillait :

— Oui, c’est moi… Oui, me v’là… Oui, j’étais trop soucieuse !…

Et le juge de paix en profitait pour gagner la porte, lançant au patron :

— On ne peut plus se rafraîchir chez vous, n’est-ce pas ! Il n’est plus permis de parler, tant que l’Europe, n’est-ce pas, n’aura pas réglé l’incident qui la divise !

— Le quoi ? Le quoi ? rugit Gaspard. L’incident ! Mais il veut donc que j’y bouffe les foies !…

Il recourait après lui. Il fallut le calmer, l’asseoir, le faire boire.

Le patron était mécontent, révolté. En voyant la femme de Gaspard, il avait vite enfermé Annette. En voyant Gaspard menaçant, il craignait pour ses glaces et sa clientèle ; et essuyant une table, il maugréait dans le nez de l’huissier :

— Cette guerre-là ne nous rapportera rien de propre ! Tous les gens ne vont penser qu’à se battre !… Ah, monsieur Mulot… vous qu’avez de l’âge et savez causer, si vous pouviez faire comprendre à celui-là… que j’aimerais autant qu’il fréquente plus ici… je vous donnerais votre café gratuitement pendant un mois !