Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/57

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Puche, était une des formes de la discipline, un des moyens les plus sûrs d’assouplir sa troupe, et de l’habituer à obéir, toujours. Chaque fois qu’il la ramenait au cantonnement, il disait en descendant de cheval : « Nettoyage des effets et des cuirs : je passerai moi-même me rendre compte. » Et l’ordre était donné sur un ton de bonhomie sérieuse.

La guerre ne changeait rien à cet homme singulier. Il restait en Lorraine ce qu’il était chez lui, dans le quartier provincial de l’École Militaire, recopiant le soir des états de chemises ou de chaussures, sous sa suspension. Échantillon de bourgeoisie moyenne mais vertueuse, qui fait l’été des confitures pour l’hiver, et qui, toujours pratique, continue, pendant les plus grandes heures, à croire à l’importance de toutes les petites choses. Ces soucis d’apparence mesquine révoltent les esprits exaltés ; ils ne comprennent pas l’utilité et la force d’un officier-fonctionnaire, restant strictement à sa place et à sa tâche, sans s’absorber dans des pensées qui paraissent plus hautes et plus larges, mais… qui ne sont peut-être que divagations. La Guerre, la Vie, la Mort, fort beaux sujets qu’il est prudent de laisser aux civils : ils ont le temps d’y rêver. Un capitaine n’a pas de loisirs. Il doit veiller sur « l’ordinaire » des hommes. Les ventres et les pieds, voilà son