Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Mais ni le peintre ni le poète, qui étaient tous deux des spécialistes, n’avaient en dehors de leur art et de leur ambition de quoi intéresser. Et puis, et surtout Bruggle leur reprochait d’être fort laids l’un et l’autre. Quant à la dame roumano-scandinave, quoiqu’elle passât pour ce qui se fait de mieux dans le genre « aventurière » et eût, disait-on, mené une vie des plus mouvementées, Arthur ne la jugeait guère pittoresque. Il est vrai qu’ayant réussi au-delà de ses ambitions, toute-puissante dans le Paris des théâtres et des journaux, depuis le diplomate nordique, elle était d’une réserve fort étudiée, car elle rêvait de conquérir les vestiges du faubourg Saint-Germain où, d’abord, on l’avait acceptée par curiosité, puis régulièrement invitée parce qu’elle amusait.

Or comme elle n’avait pas de talent particulier qui lui valût d’être traitée en artiste (ce dont d’ailleurs elle ne se fût point contentée depuis son dernier mariage), comme, d’autre part, elle ne voulait pas que son rôle fût simplement de divertir ou d’organiser des fêtes, pour avoir l’air « grande dame » après avoir cherché divers moyens dont quelques-unes sans doute eussent pu sans injustice être traités de trucs, elle avait décidé que le mieux serait de ne sembler prendre intérêt qu’aux détails, aux futilités, potins ou chiffons, et de traiter avec une légèreté — d’ailleurs, feinte mais qu’elle croyait signe de réelle aristocratie