Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/107

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— ce que, jusqu’alors, elle avait estimé sérieux et pour quoi elle avait dépensé toutes les ressources d’un sens politique des plus fins.

Elle s’exténuait donc à parfaire le succès de Bruggle, afin d’en tirer elle-même une plus grande gloire, mais quand on la félicitait d’avoir découvert un musicien, elle répondait que son talent la séduisait bien moins que sa grâce ou les jolies maladresses de son accent. Ainsi, la vogue d’Arthur, qui lui coûtait tant de démarches, de lettres d’intrigues que d’ailleurs elle se fût laissé hacher menu plutôt que d’avouer, semblerait résulter d’un de ces caprices dont, avant sa réussite, elle croyait seules capables les mieux racées. Au reste, depuis certain temps déjà, par système et aussi bien pour la louange que pour le blâme, quand elle avait à donner son avis, même et surtout s’il s’agissait de quelqu’un ou de quelque chose lui tenant à cœur, elle avait adopté un ton de persiflage, une liberté impertinente, qui lui permettaient de sembler estimer sans grand intérêt êtres et objets proposés à son attention, donc d’être à la hauteur de son rang. D’où l’air d’ennui qu’elle prenait, par exemple, pour assister à des spectacles qu’elle s’était donné le mal — et non des moindres — d’organiser, d’où l’expression lointaine qui maquillait si subtilement ses efforts ambitieux et lui conférait, par effet rétroactif, une sorte de privilège de naissance qui la vengeait