Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/110

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de Pierre. Volontiers il l’eût hypnotisé pour qu’il les lui fît.

Aussi, lorsque Pierre, après avoir reconduit Diane jusqu’à sa porte, fut revenu sur ses pas et eut exploré les divers cafés de Montparnasse jusqu’à ce qu’il eût enfin découvert son voisin, lorsqu’il eut appris quel était ce voisin, se fut assis et eut, comme par hasard, laissé sa main effleurer la main de celui à qui, tout à l’heure déjà, il avait sacrifié Diane, Bruggle, heureux de sentir dans chaque geste un aveu craintif, daigna enfin oublier sa gloire et les obstacles que certes n’eût jamais surmontés d’elle-même la timidité de Pierre.

Une heure plus tard, Pierre téléphonait pour décommander un dîner. Or à peine achevait-il de parler que des dents soudain mordillaient une oreille et des doigts plus frais que plantes, devant sa bouche, s’opposaient au moindre cri, tandis qu’un rire roulait en réponse à la stupeur qu’on lui interdisait d’exprimer. Puis la lumière se fit. Bruggle était là. Pierre voulut fuir son regard mais, déjà saisi aux poignets, il devait accepter la volonté de deux yeux. Deux yeux qui lui semblaient les yeux d’un animal. Pourquoi crut-il encore lire « Ratapoilopolis « sur le mur ? Ratapoilopolis, la folie. Un nuage passa dans les yeux de Bruggle qui eut peur sans se rendre compte de la peur de Pierre. Lentement, l’étau des doigts se desserra. Des