Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/172

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simplicité, ses moyens. Il est fier comme un metteur en scène d’un bout de ruban bien disposé sur fond noir et qui suffit à représenter un arbre, une maison, une montagne, un paysage. Ce dîner avec Diane, il est bien en vérité, comme il supposait tout à l’heure, un pont de Mme  Dumont-Dufour à Bruggle, des scrupules tièdes aux joies crues.

Il a choisi, et il se félicite d’avoir enfin choisi, bien choisi. Mme  Dumont-Dufour, Diane, Bruggle, trois sommets d’un triangle et Pierre qui s’usait d’aller de l’un à l’autre. Maintenant, encerclé en Bruggle, il oubliera les errements dont chaque jour il pâlissait davantage. Une glace salie de buée ce soir encore accuse un visage verdâtre, des joues creuses. Puisque dorénavant ce doit être la santé, que l’apparence en soit dès aujourd’hui. Il ne faut plus que son trop cher Arthur puisse jamais lui lancer quelque : « Tu as l’air malsain », dont il souffrait tant. Arrêté sous un bec de gaz, il se pince la figure, se gifle, jusqu’à ce qu’un peu de rose colore ses joues, puis, quand le miroir d’abord pessimiste de la boutique lui envoie une image un peu moins consternante, pour tuer définitivement l’inquiétude, trois verres de marc au comptoir du premier bistrot venu. Enfin il hèle un taxi, et c’est, très vite, la maison de Bruggle.

Dès le rez-de-chaussée, les bribes d’un air de java lui rappellent les nuits des faubourgs, les lettres en