Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/88

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dernière, Mme Dumont-Dufour en combinaison rose et long voile de deuil faisait des culbutes par le ciel de Paris et agitant des jambes, dont la maigreur lui a toujours semblé signe de race, criait avec une telle véhémence qu’on eût pu l’entendre de la Bastille à la porte Maillot et de Montmartre à Montrouge : « Mais faites un vœu, faites un vœu, moi aussi je peux perdre un collier et montrer mon derrière, je suis une étoile, une étoile filante. » Mais soudain l’étoile filante disparaît et, parce qu’il n’a pas fait de vœu, Pierre doit marcher dans l’obscurité. Il entend qu’on le condamne à errer seul dans le palais du Louvre jusqu’à ce qu’il ait retrouvé ses yeux que par mégarde il a laissés tomber de ses orbites, il ne sait plus où exactement, dans le duvet dont on vient d’emplir toutes les salles du musée. Des petites plumes se collent à ses lèvres, ses narines, emplissent ses paupières vides, sa bouche. Il étouffe, veut crier, ne peut pas et enfin le sang qu’il pleure tombe en gouttes si chaudes que la douleur de ses mains ébouillantées l’éveille.

De l’éclat de rire aux larmes, Mme Dumont-Dufour devenue comète dans le ciel de la capitale ou l’effroi des yeux perdus. Ses rêves. Mais la nuit ne les limite point et leur ombre tache les journées. Il y a bien, il est vrai, des pièges réservés au sommeil. Seul par exemple dans son lit, il se noie parmi les draps et souvent ne peut même point trouver la poire électrique, cette