Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/92

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de Pierre, ne le fait certes pas rougir de honte.

Le grand gars et ses compliments étaient peut-être ridicules, mais pourquoi, contre eux, par exemple, donner raison aux avis énoncés par Mme Blok et Mme Dumont-Dufour en face d’une théière. Or Pierre ne vient-il pas justement de tout remettre en cause parce que, à une bourgeoise ignorante qui lui demandait si son fils était anormal, une autre bourgeoise ignorante a répondu simplement qu’il était un peu dégénéré.

Mais, puisque malheureusement, Mme Dumont-Dufour il y a, qu’elle fiche donc la paix à son fils. Quant à son fils, il se dit que le mieux serait de témoigner à une telle mère un mépris silencieux qui aurait au moins l’avantage de pouvoir passer pour de la simple froideur, voire même une sorte de respect. D’ailleurs après quatre lustres d’une étude quotidienne et forcée, ne la connaît-il pas trop pour qu’elle l’intéresse encore au point qu’il lui en veuille ? Si elle était jolie, si elle avait quelque étrangeté, il n’y aurait point lieu de s’étonner de l’attention qu’il lui porte en dépit de lui-même, mais il l’a regardée avec assez d’attention pour connaître tous ses défauts, et jusqu’à ceux de son épiderme aux mailles si lâches et si rudes que dans chaque pore, lui semble-t-il, on pourrait planter une fleur ou un petit drapeau. Aujourd’hui, telle qu’il la voit, immobile dans son fauteuil, il pense que sous sa robe sans ligne le corps ne tient pas plus de place qu’un