Page:René Guénon - La Crise du monde moderne.djvu/102

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moindre connaissance directe de ces doctrines, tandis que ceux de leurs collègues qui s’occupent du Christianisme doivent tout au moins le connaître dans une certaine mesure, même si leur hostilité contre tout ce qui est religieux les empêche de le comprendre véritablement. D’ailleurs, nous devons dire à cette occasion que nous avons eu parfois quelque peine à faire admettre par des Orientaux que les exposés de tel ou tel orientaliste procédaient d’une incompréhension pure et simple, et non d’un parti pris conscient et volontaire, tellement on y sent cette même hostilité qui est inhérente à l’esprit anti-traditionnel ; et nous demanderions volontiers à M. Massis s’il croit bien habile d’attaquer la tradition chez les autres quand on voudrait la restaurer dans son propre pays. Nous parlons d’habileté, parce que, au fond, toute la discussion est portée par lui sur un terrain politique ; pour nous qui nous plaçons à un tout autre point de vue, celui de l’intellectualité pure, la seule question qui se pose est une question de vérité ; mais ce point de vue est sans doute trop élevé et trop serein pour que les polémistes y puissent trouver leur satisfaction, et nous doutons même que, en tant que polémistes, le souci de la vérité puisse tenir une grande place dans leurs préoccupations.

M. Massis s’en prend à ce qu’il appelle des « propagandistes orientaux », expression qui renferme en elle-même une contradiction, car l’esprit de propagande, nous l’avons déjà dit bien souvent, est chose tout occidentale ; et cela seul indique déjà clairement qu’il y a là quelque méprise. En fait, parmi les propagandistes visés, nous pouvons distinguer deux groupes, dont le premier est constitué par de purs Occidentaux ; il serait vraiment comique, si ce n’était le signe de la plus déplorable ignorance des choses de l’Orient, de voir qu’on fait figurer des Allemands et des Russes parmi les représentants de l’esprit oriental ; l’auteur fait à leur égard des observations dont certaines sont très justes, mais que ne les montre-t-il nettement pour ce qu’ils sont en réalité ? À ce premier groupe nous joindrions encore les « théosophistes » anglo-saxons et tous les inventeurs d’autres sectes du même genre, dont la terminologie orientale n’est qu’un masque destiné à en imposer aux naïfs et aux gens mal informés, et qui ne recouvre que des idées aussi étrangères à l’Orient que chères à l’Occident moderne ; ceux-là sont d’ailleurs plus dangereux que de simples philosophes, en raison de leurs prétentions à un « ésotérisme » qu’ils ne possèdent pas davantage, mais qu’ils simulent frauduleusement