Page:René Guénon - La Crise du monde moderne.djvu/112

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occidental ; ceux-là, qui ne peuvent d’ailleurs représenter qu’un cas d’exception, ne sauraient aucunement être partie intégrante d’une élite occidentale ; ils sont en réalité un prolongement des élites orientales, qui pourrait devenir un trait d’union entre celles-ci et l’élite occidentale le jour où cette dernière serait arrivée à se constituer ; mais elle ne peut, par définition en quelque sorte, être constituée que par une initiative proprement occidentale, et c’est là que réside toute la difficulté. Cette initiative n’est possible que de deux façons : ou l’Occident en trouvera les moyens en lui-même, par un retour direct à sa propre tradition, retour qui serait comme un réveil spontané de possibilités latentes ; ou certains éléments occidentaux accompliront ce travail de restauration à l’aide d’une certaine connaissance des doctrines orientales, connaissance qui cependant ne pourra être absolument immédiate pour eux, puisqu’ils doivent demeurer occidentaux, mais qui pourra être obtenue par une sorte d’influence au second degré, s’exerçant à travers des intermédiaires tels que ceux auxquels nous faisions allusion tout à l’heure. La première de ces deux hypothèses est fort peu vraisemblable, car elle implique l’existence, en Occident, d’un point au moins où l’esprit traditionnel se serait conservé intégralement, et nous avons dit que, en dépit de certaines affirmations, cette existence nous paraît extrêmement douteuse ; c’est donc la seconde hypothèse qu’il convient d’examiner de plus près.

Dans ce cas, il y aurait avantage, bien que cela ne soit pas d’une nécessité absolue, à ce que l’élite en formation pût prendre un point d’appui dans une organisation occidentale ayant déjà une existence effective ; or il semble bien qu’il n’y ait plus en Occident qu’une seule organisation qui possède un caractère traditionnel, et qui conserve une doctrine susceptible de fournir au travail dont il s’agit une base appropriée : c’est l’Église catholique. Il suffirait de restituer à la doctrine de celle-ci, sans rien changer à la forme religieuse sous laquelle elle se présente au dehors, le sens profond qu’elle a réellement en elle-même, mais dont ses représentants actuels paraissent n’avoir plus conscience, non plus que de son unité essentielle avec les autres formes traditionnelles ; les deux choses, d’ailleurs, sont inséparables l’une de l’autre. Ce serait la réalisation du Catholicisme au vrai sens du mot, qui, étymologiquement, exprime l’idée d’« universalité », ce qu’oublient un peu trop ceux qui voudraient n’en faire que la dénomination exclusive d’une forme spéciale et purement