Page:René Guénon - La Crise du monde moderne.djvu/113

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occidentale, sans aucun lien effectif avec les autres traditions ; et l’on peut dire que, dans l’état présent des choses, le Catholicisme n’a qu’une existence virtuelle, puisque nous n’y trouvons pas réellement la conscience de l’universalité ; mais il n’en est pas moins vrai que l’existence d’une organisation qui porte un tel nom est l’indication d’une base possible pour une restauration de l’esprit traditionnel dans son acception complète, et cela d’autant plus que, au moyen âge, elle a déjà servi de support à cet esprit dans le monde occidental. Il ne s’agirait donc, en somme, que d’une reconstitution de ce qui a existé avant la déviation moderne, avec les adaptations nécessaires aux conditions d’une autre époque ; et, si certains s’en étonnent ou protestent contre une semblable idée, c’est qu’ils sont eux-mêmes, à leur insu et peut-être contre leur gré, imbus de l’esprit moderne au point d’avoir complètement perdu le sens d’une tradition dont ils ne gardent que l’écorce. Il importerait de savoir si le formalisme de la « lettre », qui est encore une des variétés du « matérialisme » tel que nous l’avons entendu plus haut, a définitivement étouffé la spiritualité, ou si celle-ci n’est qu’obscurcie passagèrement et peut se réveiller encore dans le sein même de l’organisation existante ; mais c’est seulement la suite des événements qui permettra de s’en rendre compte.

Il se peut, d’ailleurs, que ces événements eux-mêmes imposent tôt ou tard, aux dirigeants de l’Église catholique, comme une nécessité inéluctable, ce dont ils ne comprendraient pas directement l’importance au point de vue de l’intellectualité pure ; il serait assurément regrettable qu’il faille, pour leur donner à réfléchir, des circonstances aussi contingentes que celles qui relèvent du domaine politique, considéré en dehors de tout principe supérieur ; mais il faut bien admettre que l’occasion d’un développement de possibilités latentes doit être fourni à chacun par les moyens qui sont le plus immédiatement à la portée de sa compréhension actuelle. C’est pourquoi nous dirons ceci : devant l’aggravation d’un désordre qui se généralise de plus en plus, il y a lieu de faire appel à l’union de toutes les forces spirituelles qui exercent encore une action dans le monde extérieur, en Occident aussi bien qu’en Orient ; et, du côté occidental, nous n’en voyons pas d’autres que l’Église catholique. Si celle-ci pouvait entrer par là en contact avec les représentants des traditions orientales, nous n’aurions qu’à nous féliciter de ce premier résultat, qui pourrait être précisément le point de départ de ce que nous avons en vue,