Page:René Guénon - La Crise du monde moderne.djvu/115

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contrainte de le suivre tardivement pour maintenir une influence qui menacerait de lui échapper ; il n’est pas nécessaire de se placer à un point de vue très élevé et difficilement accessible pour comprendre que, en somme, c’est elle qui aurait les plus grands avantages à retirer d’une attitude qui, d’ailleurs, bien loin d’exiger de sa part la moindre compromission dans l’ordre doctrinal, aurait au contraire pour résultat de la débarrasser de toute infiltration de l’esprit moderne, et par laquelle, au surplus, rien ne serait modifié extérieurement. Il serait quelque peu paradoxal de voir le Catholicisme intégral se réaliser sans le concours de l’Église catholique, qui se trouverait peut-être alors dans la singulière obligation d’accepter d’être défendue, contre des assauts plus terribles que ceux qu’elle a jamais subis, par des hommes que ses dirigeants, ou du moins ceux qu’ils laissent parler en leur nom, auraient d’abord cherché à déconsidérer en jetant sur eux la suspicion la plus mal fondée ; et, pour notre part, nous regretterions qu’il en fût ainsi ; mais, si l’on ne veut pas que les choses en viennent à ce point, il est grand temps, pour ceux à qui leur situation confère les plus graves responsabilités, d’agir en pleine connaissance de cause et de ne plus permettre que des tentatives qui peuvent avoir des conséquences de la plus haute importance risquent de se trouver arrêtées par l’incompréhension ou la malveillance de quelques individualités plus ou moins subalternes, ce qui s’est vu déjà, et ce qui montre encore une fois de plus à quel point le désordre règne partout aujourd’hui. Nous prévoyons bien qu’on ne nous saura nul gré de ces avertissements, que nous donnons en toute indépendance et d’une façon entièrement désintéressée ; peu nous importe, et nous n’en continuerons pas moins, lorsqu’il le faudra, et sous la forme que nous jugerons convenir le mieux aux circonstances, à dire ce qui doit être dit. Ce que nous disons présentement n’est que le résumé des conclusions auxquelles nous avons été conduit par certaines « expériences » toutes récentes, entreprises, cela va sans dire, sur un terrain purement intellectuel ; nous n’avons pas, pour le moment tout au moins, à entrer à ce propos dans des détails qui, du reste, seraient peu intéressants en eux-mêmes ; mais nous pouvons affirmer qu’il n’est pas, dans ce qui précède, un seul mot que nous ayons écrit sans y avoir mûrement réfléchi. Qu’on sache bien qu’il serait parfaitement inutile de chercher à opposer à cela des arguties philosophiques que nous voulons ignorer ; nous parlons sérieusement de choses sérieuses, nous n’avons pas de temps à perdre dans des discussions verbales qui n’ont pour nous aucun