Page:René Guénon - La Crise du monde moderne.djvu/7

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tour, se traduisent extérieurement par les extravagances auxquelles nous venons de faire allusion. Cette explication n’est d’ailleurs pas une excuse en faveur de celles-ci ; ou du moins, si l’on peut excuser ceux qui tombent involontairement dans l’erreur, parce qu’ils y sont prédisposés par un état mental dont ils ne sont pas responsables, ce ne saurait jamais être une raison pour excuser l’erreur elle-même. Du reste en ce qui nous concerne, on ne pourra sûrement pas nous reprocher une indulgence excessive à l’égard des manifestations « pseudo-religieuses » du monde contemporain, non plus que de toutes les erreurs modernes en général ; nous savons même que certains seraient plutôt tentés de nous faire le reproche contraire, et peut-être ce que nous disons ici leur fera-t-il mieux comprendre comment nous envisageons ces choses, nous efforçant de nous placer toujours au seul point de vue qui nous importe, celui de la vérité impartiale et désintéressée.

Ce n’est pas tout : une explication simplement « psychologique » de l’idée de la « fin du monde » et de ses manifestations actuelles, si juste qu’elle soit dans son ordre, ne saurait passer à nos yeux pour pleinement suffisante ; s’en tenir là, ce serait se laisser influencer par une de ces illusions modernes contre lesquelles nous nous élevons précisément en toute occasion. Certains, disions-nous, sentent confusément la fin imminente de quelque chose dont ils ne peuvent définir exactement la nature et la portée ; il faut admettre qu’ils ont là une perception très réelle, quoique vague et sujette à de fausses interprétations ou à des déformations imaginatives, puisque, quelle que soit cette fin, la crise qui doit forcément y aboutir est assez apparente, et qu’une multitude de signes non équivoques et faciles à constater conduisent tous d’une façon concordante à la même conclusion. Cette fin n’est sans doute pas la « fin du monde », au sens total où certains veulent l’entendre, mais elle est tout au moins la fin d’un monde ; et, si ce qui doit finir est la civilisation occidentale sous sa forme actuelle, il est compréhensible que ceux qui se sont habitués à ne rien voir en dehors d’elle, à la considérer comme « la civilisation » sans épithète, croient facilement que tout finira avec elle, et que, si elle vient à disparaître, ce sera véritablement la « fin du monde ».

Nous dirons donc, pour ramener les choses à leurs justes proportions, qu’il semble bien que nous approchions réellement de la fin d’un monde, c’est-à-dire de la fin d’une époque ou d’un cycle historique, qui peut d’ailleurs être en correspondance avec un cycle cosmique, suivant ce