Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/109

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d’avoir manqué à tous ses devoirs, et, on le conçoit aisément, bien que la leçon lui eût été faite et quelque souvenir cuisant qu’elle eût gardé de sa rencontre rue Auber avec la jolie Véra Soublaïeff, elle craignait de ne pouvoir soutenir sa plainte avec assez de fermeté.

L’archiprêtre de l’église russe à Paris était déjà à cette époque le pope Joseph Wasilieff, vieillard plein d’esprit et de cœur. Les deux époux devaient comparaître devant lui. Après avoir reçu la plainte de la princesse Olsdorf, le Consistoire de Saint-Pétersbourg, dont dépend l’église de Paris, avait envoyé une commission rogatoire au vénérable prêtre de la rue Daru.

Au jour et à l’heure indiqués, Lise Olsdorf se présenta chez le pope Wasilieff. Le prince l’y avait précédée de quelques instants. Lorsqu’en entrant dans le salon où le prêtre l’attendait, l’épouse aperçut son mari, elle hésita et fit un pas en arrière, mais un regard de Pierre Olsdorf lui fit comprendre que, sans hésitation, sans faiblesse, elle était condamnée à jouer son rôle jusqu’à la dernière ligne.

— Madame la princesse, dit le vénérable Joseph Wasilieff, je suis chargé par le Consistoire de vous interroger sur les faits dont vous lui avez donné connaissance, et je dois également, autant pour me conformer à la loi que pour obéir aux devoirs de mon ministère, vous demander si vous persistez dans votre plainte. Avant de me répondre, permettez-moi d’insister sur ce qu’il y aurait de généreux de votre part à oublier l’outrage qui vous a été fait. Pour l’honneur du nom que vous portez encore, pour l’avenir de vos enfants, pardonnez. Vous saurez aisément reconquérir le cœur de votre époux et vous éviterez un grand scandale.

Pâle et tremblante, Lise ne trouvait pas une parole. Affaissée dans le grand fauteuil où elle s’était assise, elle restait là, muette et les yeux baissés.

— Pour vous, prince, poursuivit le pope, vous ne pouvez vous dissimuler la gravité de la faute dont vous vous êtes rendu coupable. Cette faute est doublement blâmable, puisque vous l’avez commise de complicité avec