Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/114

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soucieuse du bruit et de la réclame. Parfois, elle allait au théâtre avec le prince, et c’étaient là les meilleurs instants de son existence un peu isolée, car Pierre se montrait pour elle d’une tendresse plus sérieuse, plus démonstrative que jadis.

Cela, sans doute, ne suffisait pas encore à Véra, dont le cœur, sans qu’elle s’en rendît bien compte, désirait davantage, car souvent ses yeux se remplissaient de larmes et son sourire n’avait plus sa franchise accoutumée. De plus, sa tendresse pour son maître s’était faite inquiète et nerveuse. Lorsqu’il lui faisait savoir qu’il ne déjeunerait ou ne dînerait pas à la maison, elle mangeait à peine, et le soir, s’il s’attardait un peu, elle ne pouvait s’endormir qu’après l’avoir entendu rentrer, qu’après avoir reçu de lui le bonsoir affectueux qu’il lui envoyait toujours de la main, en traversant sa chambre, avant de se rendre dans son appartement. Seulement, depuis la scène judiciaire que nous avons racontée, Pierre ne s’était plus jamais approché du lit de Véra. Il semblait même à celle-ci qu’il passait plus rapidement qu’autrefois.

Ces émotions successives, incessantes ; ces aspirations inconscientes, irraisonnées, qu’elle ressentait, tout cela avait profondément troublé la santé de la jeune fille, et si le prince, qui la voyait chaque jour, n’avait pas remarqué l’altération de ses traits, les souffrances morales et physiques de Véra n’en étaient pas moins réelles. Rien ne l’intéressait plus, ni les courses dans Paris ni les théâtres. Souvent, elle restait de longues heures étendue sur une chaise longue, pensant à peine, n’osant s’interroger elle-même.

C’est dans cet état de prostration que Pierre la trouva en revenant de chez l’archiprêtre Wasilieff.

Remarquant pour la première fois combien elle était changée, il en fut si vivement ému qu’il comprit tout à fait ce qui se passait en lui. Il n’avait pu vivre impunément pendant deux mois auprès de cette adorable enfant, si belle et si dévouée : il l’aimait.

Tout d’abord, la constatation de ce sentiment lui causa