Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/115

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une sorte d’épouvante, et il hésita à s’approcher de Véra, mais les grands yeux de la jeune fille s’étaient fixés sur lui avec des regards d’une telle douceur, ils exprimaient une telle angoisse que, charmé, il vint doucement à elle et que, s’agenouillant auprès du siège où elle était à demi couchée, il lui dit d’une voix émue :

— Bientôt il n’y aura plus de princesse Olsdorf ; ce jour-là, je pourrai vous dire qu’avec mon fils, vous êtes ce que j’aime le plus au monde !

La fille du serf Soublaïeff ne répondit pas un seul mot, mais elle se redressa brusquement et le sang lui afflua si rapidement au cœur qu’elle retomba, à demi morte, dans les bras que Pierre tendait vers elle.


XI

LES MEYRIN


Les choses devaient se passer chez les Meyrin avec moins de dignité et de poésie que rue Auber.

Fidèle à la recommandation que lui avait faite sa maîtresse, Paul s’était bien gardé de rien dire à son frère et à sa belle-sœur des événements si graves dont il était le héros. Ni Frantz, ni sa femme n’ignoraient cependant ses amours, mais il affectaient, par une de ces hypocrisies bourgeoises si fréquentes, de croire qu’il n’y avait, entre l’artiste et la princesse, que les relations les plus respectables. Leur amour-propre était flatté de recevoir la grande dame russe, et s’ils avaient avoué tout savoir, ils auraient été obligés de reconnaître qu’ils jouaient un assez vilain rôle, ou de rompre avec cette noble étran-