Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/17

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morale. Sur ses terres, les logements malsains n’existaient plus, et il avait établi dans ses vastes domaines des écoles où il exigeait que fussent envoyés tous les enfants. Non seulement ces enfants recevaient là l’instruction primaire et religieuse, mais encore ils y apprenaient le français. Tout le monde, pour ainsi dire, parlait notre langue à dix lieues à la ronde autour du château.

On le conçoit donc aisément, le prince préférait à tout autre le séjour en Courlande, et c’est précisément son goût pour cette existence si active et si honorable qui le fit songer un jour à prendre femme. Garçon, il lui était difficile de recevoir ses amis mariés. Or l’hospitalité des Olsdorf était légendaire. Il fit part de son désir au général Podoï, qui avait été l’ami de son père, et le vieil amoureux de la comtesse Barineff songea tout naturellement alors à faire de Lise la châtelaine de Pampeln.

C’était bien là, selon lui, la femme qu’il fallait à Pierre le Taciturne, comme il l’appelait volontiers. Lise était sérieuse, instruite et non frivole, ainsi que la plupart des jeunes filles de la noblesse russe. Il en parla au prince ; celui-ci vint à Saint-Pétersbourg, où, après avoir rencontré deux ou trois fois la fille de la comtesse, frappé de sa beauté et de sa distinction, il fut bientôt convaincu qu’il ne pourrait mieux choisir, demanda sa main et, comme nous l’avons vu, fut agréé.

Ce but de l’intelligente veuve atteint, les choses suivirent leur marche régulière. Bien qu’il n’eût aucune fonction à la Cour, le prince Olsdorf, par déférence et pour obéir à la tradition, demanda à l’Empereur l’autorisation de se marier, et l’acquiescement du Czar ne s’étant pas fait attendre, Pierre se hâta de livrer aux tapissiers son hôtel de la Moïka, si complètement délaissé depuis tant d’années.

À cette occasion la comtesse remporta une seconde victoire. Certain de son goût exquis, le prince la pria de s’occuper de tout, et rien ne s’exécuta que par ses ordres dans le palais des futurs époux. Sa satisfaction ne fut troublée, pensant qu’elle faisait ainsi la maîtresse de maison, que par une lettre qu’elle reçut de Paris, en