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réponse à celle qu’elle avait adressée à son camarade Dumesnil.

Moins réservé que son amie, l’acteur de l’Odéon lui avait écrit :

« Je suis tout heureux, ma chère Madeleine, tout fier du mariage de Lise. Je ne regrette plus le sacrifice que j’ai fait, lorsque tu es devenue comtesse Barineff, en laissant reconnaître cette chère enfant par celui qui te donnait son nom. J’ai voulu, avant tout, assurer l’avenir de notre fille et plus tard, sacrifiant mon propre avenir, à moi, je ne t’ai pas rejointe en Russie, où la gloire et la fortune m’attendaient peut-être. »

Le vieux comédien continuait en se lamentant sur la décadence du théâtre, sur le manque de délicatesse du public, sur l’isolement auquel il était condamné, et il terminait en chargeant son ancienne maîtresse d’embrasser pour un vieil ami celle qu’il ne pouvait embrasser comme un père.

Tout cela avait rappelé à la comtesse Barineff une foule de souvenirs désagréables, et elle regrettait un peu d’avoir écrit à Dumesnil, tout en comprenant qu’il lui eût été bien difficile de s’abstenir, car elle n’avait eu qu’à se louer de la conduite de cet honnête homme.

C’était Dumesnil, en effet, qui avait dirigé les premiers pas de Madeleine Froment dans la carrière dramatique, en l’enlevant à l’existence précaire qui l’attendait dans le monde interlope où l’abandon des siens l’avait lancée à moins de vingt ans ; et, après l’avoir rendue mère, il ne songeait pas à l’abandonner, mais voulait tout au contraire reconnaître son enfant, quand un engagement inespéré à Saint-Pétersbourg lui ayant été proposé, Madeleine avait quitté Paris, en promettant à Dumesnil de le faire entrer à son tour au théâtre Michel. Nous savons ce qui s’était passé. Entourée, adulée, elle avait rapidement oublié son camarade de l’Odéon, et Dumesnil n’avait connu son mariage avec le comte Barineff que lorsqu’il était trop tard pour tenter de s’y opposer.

Mme  Froment avait alors fait vibrer adroitement la fibre paternelle dans le cœur de Dumesnil qui, nous