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Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/188

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sous le même toit, mais étrangers l’un à l’autre. Une femme comme moi n’oublie ni l’humiliation ni l’outrage. Il ne me reste plus que vous et Marthe pour m’aimer.

Trop ému pour prononcer un seul mot, Dumesnil mit un respectueux et tendre baiser sur la main fiévreuse que la pauvre trahie lui tendait.

— Et même, poursuivit-elle, bientôt je n’aurai plus que vous et ma fille, car, dans quelques mois, dans quelques semaines peut-être, Mme Daubrel quittera la France pour rejoindre son mari.

— Son mari ? je la croyais séparée de corps.

— C’est exact et de plus la séparation a été prononcée contre elle ; seulement, depuis huit années, elle a si courageusement expié sa faute que M. Daubrel est disposé à tout oublier. Marthe m’a appris une chose que j’ignorais : la séparation de corps ne dure qu’autant que le veulent les deux époux ; elle est révocable à leur gré et cesse par le seul fait de leur réunion volontaire, sans l’intervention d’un juge, ni l’accomplissement d’aucune formalité.

— Je trouve cela fort juste !

— Oui, poursuivit Mme Meyrin avec amertume, le mari trompé a le droit, s’il pardonne à sa femme, de lui rouvrir sa maison, de lui rendre ses enfants. Il n’a pas besoin de l’autoriser à porter de nouveau son nom, puisqu’elle ne l’a jamais quitté. Par un seul baiser, tout est effacé. Avec le divorce, au contraire, la seule femme que l’époux outragé ne puisse prendre, c’est celle qui l’a trompé. Son union avec elle serait illégale, irrégulière, les enfants qu’il pourrait en avoir seraient adultérins. Ah ! mon ami, que je suis malheureuse et quel châtiment est le mien !

L’infortunée avait laissé tomber sa tête entre ses mains et pleurait !

Le vieil acteur n’osait essayer de la consoler et ne songeait pas à défendre son jeune ami, qui n’avait fait en réalisé auprès de sa femme aucune tentative sérieuse de rapprochement, bien qu’une semaine se fût déjà écoulée depuis le drame du boulevard de Clichy.

M. Meyrin, il est vrai, déjeunait et dînait assez réguliè-