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l’avons vu, avait laissé son enfant devenir la fille du comte Barineff, autant par affection que par vanité. Mais toutes ces déceptions l’avaient aigri ; il était resté comédien autant par nécessité que par goût, triste, découragé, convaincu que tout était fini pour la littérature dramatique, et ne trouvant un peu de consolation que lorsque, les jours de répertoire, il interprétait, avec toutes les traditions, les auteurs du grand siècle.

Toutefois, malgré ce nuage qui s’était élevé dans son ciel d’azur, le comtesse Barineff n’en continua pas moins à veiller avec activité à l’installation du jeune ménage. Au jour fixé, l’hôtel de la Moïka n’attendait plus que ses maîtres.

Cette épreuve de deux mois subie par Pierre Olsdorf ne lui avait nui dans l’esprit de sa fiancée. Lise ne se sentait certes pas le cœur battre violemment quand celui dont elle allait porter le nom lui baisait la main, car ce cavalier grave, aux fines moustaches blondes, à l’œil bleu à demi voilé, n’était peut-être pas l’époux qu’elle avait entrevu dans ses rêves, mais il la ferait princesse, et la comtesse Barineff affirmait à sa fille que les unions les plus heureuses sont souvent celles que l’amour n’a pas précédées.

Du reste, l’ex-comédienne se promettait de faire de l’habitation du prince le séjour le plus gai du monde, en y introduisant ses amis, tous ces artistes qu’elle se plaisait à recevoir, tous ces étrangers qui, depuis plusieurs années, donnaient à son salon une réputation méritée d’esprit et d’élégance.

Les dernières hésitations inconscientes de Lise disparurent devant la corbeille que Pierre lui offrit quelques jours avant son mariage. Il y avait là des merveilles d’élégance et toute une fortune en bijoux et en fourrures. Ce soir-là, néanmoins, elle s’endormit avec autant de calme que de coutume, et ses dernières nuits de vierge ne furent troublées par aucun de ces songes qui hantent l’esprit des plus pures à la veille de l’acte le plus important de leur vie.

Aussi le surlendemain, lorsqu’elle partit pour l’église